Le Koweït doit inculper ou libérer les militants arrêtés lors des manifestations organisées par la communauté bidun

Treize militants et un journaliste arrêtés par les forces de sécurité koweïtiennes durant une manifestation semble-t-il pacifique organisée par des membres de la minorité bidun (Arabes apatrides) doivent être libérés, s’ils ne sont pas inculpés d’une infraction prévue par la loi, a déclaré Amnesty International. Le défenseur des droits des bidun Abdulhakim al Fadhli, actuellement jugé dans le cadre de son implication dans de précédents rassemblements, comptait parmi les personnes interpellées par des agents de sécurité en civil. Le 3 mai, certaines ont été conduites devant les services du ministère public, probablement en vue de confirmer le motif de leur arrestation. Les forces de sécurité, dont des policiers masqués, auraient utilisé des matraques et des véhicules blindés pour disperser quelque 200 membres de la communauté bidun, qui réclamaient la nationalité et une meilleure protection de leurs droits lors d’une manifestation à al Jahra, en périphérie de la capitale, Koweït, le 1er mai. « Ces manifestations illustrent à quel point il est urgent que les autorités koweïtiennes pansent la plaie ouverte de la discrimination dont est victime la communauté bidun, a expliqué Philip Luther, directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. « Au lieu d’arrêter des manifestants pacifiques, elles doivent intensifier leurs efforts en vue d’apporter une solution à la situation de cette communauté et de mettre un terme à la discrimination illégale qu’elle subit. » Au Koweït, on compte entre 90 000 et 180 000 bidun, pour la plupart issus de familles qui y vivent depuis des décennies. Ils sont privés de la nationalité koweïtienne. Considérés par les autorités comme des résidents illégaux, ils ne jouissent pas des mêmes droits que les citoyens koweïtiens en matière d’éducation, de santé et d’emploi. Réclamant la nationalité koweïtienne, les manifestants s’étaient rassemblés dans un parc à al Jahra, en périphérie de la ville de Koweït, après la prière dans une mosquée toute proche. Les informations concernant la nature des troubles se sont avérées contradictoires. D’aucuns ont affirmé que les manifestants avaient recouru à la violence et que les policiers s’étaient déployés afin de disperser le rassemblement. D’autres témoins ont assuré que la manifestation était pacifique. Ces mêmes témoins ont ajouté que la police avait fait preuve d’une plus grande retenue que lors de précédentes manifestations en 2011 et début 2012. La défenseure des droits humains Maryam Shah, qui a observé la manifestation, a réfuté les informations selon lesquelles une voiture avait tenté de renverser un policier. Il est plus tard apparu que ces faits n’étaient pas liés à la manifestation. En novembre 2011, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a engagé le Koweït à mettre un terme à la discrimination dont fait l’objet la communauté bidun, notamment en modifiant sa loi relative à la nationalité. En avril 2012, le responsable de la Commission centrale des résidents illégaux, établie par le gouvernement en 2011, a annoncé que près de 20 000 bidun recevraient la nationalité koweïtienne dans un avenir proche. « Reste à savoir si les autorités tiendront réellement cette dernière promesse. Toutefois, si les personnes bénéficiant de cette mesure ne subissent plus de discrimination, la question sera loin d’être résolue pour l’ensemble de la communauté, a estimé Philip Luther. « Les autorités koweïtiennes doivent mettre sur pied un programme qui prenne à bras le corps le problème de la discrimination envers les bidun, conformément à leurs obligations internationales relatives aux droits fondamentaux. » Depuis 2011, les bidun ont organisé plusieurs manifestations largement pacifiques. Ils protestent contre le fait d’être toujours apatrides et réclament la nationalité koweïtienne, qui leur permettrait d’avoir accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi dans les mêmes conditions que les citoyens koweïtiens.