Kenya. Il faut cesser de réprimer les médias et autoriser un journaliste britannique à revenir

Il faut que les autorités kenyanes cessent de réprimer la liberté des médias et permettent à Jerome Starkey de revenir, ont déclaré neuf organisations de défense des droits humains mercredi 8 février, soit deux mois après que ce journaliste britannique a été arrêté et expulsé.

Ces organisations, parmi lesquelles Amnesty International, Human Rights Watch et PEN International, ont envoyé une lettre au ministre kenyan de l’Intérieur et de la Coordination du gouvernement national, Joseph Nkaissery, et à d’autres hauts représentants de l’État en demandant que les autorités permettent à Jerome Starkey de revenir au Kenya pour y reprendre ses activités et réaffirment publiquement leur engagement maintes fois réitéré à respecter le droit à la liberté d’expression et la liberté des médias.

« Le fait que Jerome Starkey, un éminent journaliste de renommée internationale, ait été arrêté et expulsé dans des circonstances discutables et ne soit plus en mesure d’exercer au Kenya est grotesque. Il ne s’agit cependant que de l’un des nombreux cas de harcèlement de médias et d’intimidation de journalistes auxquels se livrent les autorités kenyanes, a déclaré Justus Nyang’aya, directeur d’Amnesty International Kenya.

« Il faut que les journalistes puissent enquêter et informer sur des questions importantes sans craindre pour leur sécurité. À l’approche des élections et après le scrutin, les autorités kenyanes doivent s’engager publiquement à respecter la liberté de la presse et traduire leurs paroles en actes en diligentant des enquêtes sur toutes les allégations d’attaques contre des journalistes et en traduisant en justice les auteurs présumés de ces agissements dans le cadre de procès équitables. »

Par ailleurs, les organisations appellent les autorités à diligenter des enquêtes approfondies, impartiales et transparentes sur toutes les attaques contre des journalistes au Kenya, y compris l’homicide de John Kituyi, rédacteur d’un journal régional, perpétré en 2015.

Des copies de la lettre ont été adressées au procureur général, au directeur du parquet, au chef de la police, au président de la Commission d’administration de la justice et à la Commission nationale des droits humains.

Jerome Starkey, correspondant du Times en Afrique, qui vit et travaille au Kenya depuis cinq ans, a été arrêté à l’aéroport de Nairobi et renvoyé au Royaume-Uni le 8 décembre 2016, sans qu’aucune explication ne lui ait été fournie sur le moment.

À la suite des multiples demandes du Times, un porte-parole de la Haute-Commission du Kenya a indiqué dans une lettre datée du 10 janvier que Jerome Starkey avait été expulsé parce que sa demande de permis de travail avait été rejetée. Pourtant, les services de l’immigration avaient assuré au journaliste qu’aucune décision n’avait été prise. Plus de six semaines après, ils lui ont envoyé une lettre postdatée au 23 janvier 2017 pour lui notifier que ses demandes d’entrée dans le pays et de permis de travail n’avaient pas reçu une suite favorable.

Les organisations de défense des droits humains appellent les autorités à annuler ce refus et à permettre à Jerome Starkey de revenir afin de reprendre ses activités de journaliste.

Dans leur déclaration, elles citent plusieurs cas de journalistes et de militants kenyans qui ont été confrontés au harcèlement et à l’ingérence dans le cadre de leur travail au cours des dernières années. En particulier :

  • Duncan Wanga, un journaliste de la chaîne de télévision K24, a été harcelé et agressé par des policiers, qui ont détruit son appareil photo alors qu’il couvrait une manifestation à Eldoret en septembre 2016.
  • Boniface Mwangi, un éminent militant et ancien photojournaliste primé, a été poursuivi pour diffamation en octobre 2016 parce qu’il avait, dans un message diffusé sur Twitter, établi un lien entre le vice-président William Ruto et l’homicide de l’homme d’affaires Jacob Juma. Il a ensuite reçu des menaces de mort et a quitté le pays quelque temps.
  • Denis Galava, alors rédacteur de l’édition du weekend du Daily Nation, a été licencié à cause d’un éditorial dans lequel il avait critiqué le gouvernement le 1er janvier 2016. Son employeur, Nation Media Group, a indiqué dans une déclaration qu’il n’avait pas rédigé son éditorial selon la procédure en vigueur. Denis Galava a poursuivi le Daily Nation pour licenciement abusif.

Parmi les organisations ayant signé la lettre figurent :

 Amnesty International Kenya, ARTICLE 19, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Human Rights Watch, Musulmans pour les droits humains (MUHURI), PEN International et Reporters sans frontières.