Un responsable de la junte militaire au Myanmar dans une jeep

Myanmar. L’enquête promise sur l’homicide d’un moine doit réellement avoir lieu

En réaction à l’information selon laquelle l’armée du Myanmar a, fait rare, présenté des excuses, et s’est engagée à enquêter sur l’homicide d’un membre de haut rang du clergé bouddhiste, Montse Ferrer, directrice régionale adjointe pour la recherche à Amnesty International, a déclaré : 

« Après avoir tué des milliers de personnes depuis le coup d’État de 2021, les autorités militaires du Myanmar ont présenté des excuses sans précédent et promis d’enquêter sur l’homicide par balle d’un moine de haut rang. Cependant, compte tenu du bilan des autorités militaires en matière de droits humains, ces excuses sonnent creux et les promesses donnent peu d’espoir en matière de justice.

« Le schéma de cet homicide peut être appliqué à un grand nombre d’attaques violentes au Myanmar. Les autorités militaires ont dans un premier temps tenté d’imputer la responsabilité du meurtre aux forces de résistance. Mais lorsqu’une personne courageuse, réchappée de cette fusillade, a partagé son témoignage, les autorités militaires ont été obligées de revenir sur leurs déclarations. 

« Les autorités militaires du Myanmar doivent lancer des enquêtes approfondies, impartiales, indépendantes, transparentes et efficaces sur les milliers de meurtres qu’elles ont ordonnés, supervisés ou tacitement encouragés depuis le coup d’État. Ceci n’est pas une affaire isolée, mais s’inscrit dans ce qu’est devenue la vie au Myanmar, où les citoyen·ne·s paient le prix du comportement inconsidéré d’une armée qui n’a aucun respect pour les droits humains. » 

« Les autorités doivent traduire en justice, dans le cadre de procès équitables, les responsables présumés dans cette affaire et veiller à ce que les victimes aient accès à la justice et à des recours utiles. Elles doivent respecter, protéger, promouvoir et concrétiser les droits fondamentaux de tous et toutes dans le pays. »

Contexte

Le 19 juin, Muninda Bhivamsa, personnalité religieuse de premier plan de la communauté bouddhiste du Myanmar, a été abattu alors qu’il se déplaçait en voiture dans la municipalité de Ngazun (région de Mandalay), selon des médias contrôlés par l’armée. Âgé de 78 ans, il était l’abbé à la tête du monastère de Win Neinmitayon dans la région de Bago. Il voyageait avec un autre moine, qui a été blessé, tout comme le conducteur. 

L’armée a tout d’abord rejeté la faute sur les Forces de défense du peuple, des groupes armés qui sont apparus en réponse au coup d’État du 1er février 2021. Elle a toutefois rapidement changé de discours après que le rescapé de la fusillade, Gunika Bhivamsa, a publié sur les réseaux sociaux une déclaration relative à cet événement qui contredisait la version des événements donnée par l’armée.  

Ce moine a déclaré que les tirs avaient eu lieu vers 10 h 30, alors que son groupe franchissait un poste de contrôle, et que des membres de l’armée stationnés à proximité lui avaient ensuite dit qu’ils avaient pris le véhicule pour cible par erreur, le croyant appartenir à des forces de résistance. 

« J’ai dit aux soldats : “Pourquoi êtes-vous si cruels avec nous ? Nous sommes moines.” Les soldats ont alors répondu : “Parce que nous ne savions pas que vous étiez des moines.” Ils ont immédiatement reconnu les faits », a-t-il dit dans sa vidéo. 

Le 22 juin, l’armée a ensuite pris la décision rare de faire une déclaration promettant d’enquêter et exprimant des regrets, affirmant qu’il y avait eu des affrontements dans la région et que lorsqu’une voiture a tenté de passer alors que les soldats menaient une opération de recherche, ils « ont ouvert le feu pour l’arrêter ».  

Un porte-parole s’est engagé à prendre « les mesures nécessaires » sur la base des conclusions d’une enquête. A également circulé une vidéo du général Min Aung Hlaing – qui a pris le pouvoir lors du coup d’État de 2021 – présentant des excuses par le biais d’un intermédiaire, au monastère où vivait la victime, dans la région de Bago, lundi 24 juin.

Selon l’Association d’aide aux prisonniers politiques, un groupe effectuant un travail de suivi, l’armée du Myanmar a tué plus de 5 300 personnes depuis le coup d’État de 2021.