En réaction à une décision de la Cour constitutionnelle de Taiwan jugeant la peine de mort conforme à la Constitution pour certaines infractions telles que le meurtre, E-Ling Chiu, directrice d’Amnesty International Taiwan, a déclaré :
« La décision rendue vendredi 20 septembre est un petit pas en avant pour les droits humains à Taiwan. La Cour constitutionnelle a reconnu les graves lacunes qui caractérisent l’application de la peine de mort et renforcé la protection des droits fondamentaux pour les personnes sous le coup d’une telle peine. Néanmoins, la peine de mort reste en vigueur pour plusieurs infractions. Ce jugement marque une étape du cheminement de Taiwan vers l’abolition, et nous devons veiller à ce qu’il ne s’arrête pas ici.
« Nous sommes préoccupés depuis longtemps par les procédures iniques qui ont abouti à une condamnation à mort dans de nombreux cas à Taiwan. La décision d’aujourd’hui confirme que les procédures actuelles ne sont pas rigoureuses – les autorités taiwanaises doivent maintenant modifier les dispositions concernées dans le délai de deux ans qui a été fixé pour que les garanties fondamentales soient mises en place. Même si ce n’est pas suffisant.
« Il est également positif que la Cour constitutionnelle ait estimé que les dispositions actuelles ne protègent pas de la peine de mort les personnes atteintes de troubles mentaux qui ne sont pas aptes à être jugées ni exécutées. Il est toutefois regrettable que son jugement ne soit pas pleinement conforme au droit international et aux normes connexes, en n’interdisant pas totalement le recours à la peine capitale contre les personnes en situation de handicap mental ou intellectuel.
« Malgré l’avancée obtenue aujourd’hui, nous sommes extrêmement inquiets que cette décision expose concrètement près de 40 personnes au risque d’une exécution. Nous demandons au gouvernement de Taiwan d’instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions à titre de première mesure cruciale. La peine capitale est intrinsèquement cruelle et n’améliore pas notre sécurité.
« Alors que la tendance mondiale se poursuit en faveur de l’abolition, la décision d’aujourd’hui place Taiwan en opposition avec la majorité des pays du monde qui ont déjà relégué la peine de mort dans les livres d’histoire. Les autorités taiwanaises doivent agir pour commuer sans délai toutes les condamnations à mort, réformer la justice pénale en donnant la priorité à la protection des droits humains et abolir la peine de mort définitivement. »
Complément d’information
Le 20 septembre 2024, la Cour constitutionnelle de Taiwan a rendu sa décision sur un recours en inconstitutionnalité relatif à la peine de mort. Elle a statué que cette peine était conforme à la Constitution pour certaines infractions graves telles que le meurtre. Le recours en inconstitutionnalité faisait suite à une procédure engagée par Wang Xinfu (requête n° 2022), le plus vieux prisonnier incarcéré dans le couloir de la mort à Taiwan, qui a été regroupée avec 37 autres procédures.
La Cour constitutionnelle a en outre estimé que la peine capitale ne pouvait pas être appliquée contre les personnes atteintes de troubles mentaux.
Elle a accordé deux ans aux autorités pour modifier la législation afin de la rendre conforme au jugement, et a interdit le recours à la peine de mort contre toute personne souffrant de troubles mentaux dans l’intervalle.
Amnesty International Taiwan et la Coalition mondiale contre la peine de mort figurent parmi plusieurs ONG qui sont intervenues dans cette affaire, pour soutenir l’abolition totale de la peine capitale.
Dans une note conjointe présentée le 8 avril, les deux organisations ont fait valoir que l’utilisation de la peine de mort à Taiwan constitue une violation des droits fondamentaux tels que garantis par la Constitution taiwanaise (article 8 relatif à la liberté personnelle et aux garanties procédurales en cas d’arrestation et de condamnation ; article 15 relatif au droit d’existence).
Elles estiment que la peine capitale bafoue le droit fondamental à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, comme l’indique l’évolution du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes. Amnesty International Taiwan, la Coalition mondiale contre la peine de mort ainsi que ses membres s’inquiètent depuis longtemps de l’application de la peine de mort à Taiwan, notamment en raison de procédures ayant abouti à une condamnation à mort qui, dans plusieurs cas, n’étaient pas conformes aux normes constitutionnelles et internationales d’équité des procès.
La dernière exécution à Taiwan a eu lieu en 2020. Au 31 décembre 2023, le pays comptait 45 personnes condamnées à mort, dont 37 étaient sous le coup d’une condamnation définitive et risquaient d’être exécutées à tout moment. À ce jour, 112 pays ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions et 144 sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Des exécutions ont été recensées dans 16 pays en 2023, soit le nombre le plus bas jamais enregistré par Amnesty International depuis qu’elle suit les données relatives aux exécutions dans le monde.
Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation de la personne condamnée, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.