Réagissant à l’arrêt de la haute cour de Tokyo déterminant que l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe au Japon est anticonstitutionnelle, Boram Jang, spécialiste de l’Asie de l’Est à Amnesty International, a déclaré :
« Cette décision marque une étape décisive vers l’égalité du mariage au Japon et redonne espoir aux couples de même sexe dans tout le pays.
« Ce cas rappelle par ailleurs les batailles juridiques prolongées et fragmentées que certains couples doivent mener pour exercer des droits à l’égalité qui devraient déjà être protégés. C’est une injustice qui pèse lourdement sur leur vie.
« Le gouvernement japonais doit prendre des mesures pour légaliser le mariage entre personnes de même sexe dans tout le pays. Il est temps d’introduire une législation nationale qui apporte l’égalité du mariage à tous les Japonais·e·s, plutôt que de s’en remettre à des réponses incohérentes et inadéquates au niveau du gouvernement local. Tous les couples, quels que soient leur genre ou leur orientation sexuelle, méritent les mêmes droits, les mêmes protections, et la dignité qui découle de la reconnaissance par la loi. »
Complément d’information
La décision de la haute cour de Tokyo du 30 octobre marque une évolution importante dans la lutte que mène le Japon pour l’égalité du mariage. La cour a jugé que l’interdiction du mariage homosexuel au Japon était anticonstitutionnelle, car elle enfreignait l’article 14, paragraphe 1, et l’article 24, paragraphe 2, de la Constitution. La bataille juridique pour l’égalité des lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) a été jalonnée de victoires importantes et de reculs ces dernières années.
En mars 2021, le tribunal de district de Sapporo a rendu une décision historique, estimant que la non-reconnaissance par le gouvernement du mariage entre personnes de même sexe était anticonstitutionnelle au regard de l’article 14 de la Constitution, qui garantit l’égalité devant la loi. Cette première victoire a donné de l’espoir aux couples de même sexe dans tout le pays.
En mars 2024, la haute cour de Sapporo est devenue la première haute cour à se prononcer sur la question, confirmant la conclusion du tribunal de district selon laquelle l’interdiction du mariage homosexuel était anticonstitutionnelle. Cette décision a renforcé la tendance croissante vers l’égalité, intensifiant les pressions visant le gouvernement japonais afin de l’inciter à pallier les manques juridiques. Une décision du tribunal de district de Tokyo, également rendue en mars 2024, a fait écho à celle de la haute cour de Sapporo.
Le chemin vers l’égalité du mariage a pour l’instant été compliqué. En juin 2022, le tribunal de district d’Osaka a rejeté les demandes de couples de même sexe, estimant que la Constitution n’exigeait pas la reconnaissance du mariage homosexuel, ce qui constitue un recul pour les droits des personnes LGBTI. En mai 2023, le tribunal de district de Nagoya a relancé la dynamique, en reconnaissant que le fait de refuser aux couples de même sexe le droit de se marier constituait une discrimination.
En juin 2023, le tribunal de district de Fukuoka a reconnu les lacunes du cadre juridique, mais a soutenu que la réforme législative – et non les décisions judiciaires – était le moyen approprié pour traiter la question. Le tribunal de district de Tokyo a rendu une décision similaire en novembre 2022.
À l’heure actuelle, les couples doivent se contenter de la reconnaissance limitée offerte par les autorités locales. En novembre 2022, par exemple, le gouvernement métropolitain de Tokyo a mis en place un système de certificats de partenariat. Si ces certificats permettent une certaine reconnaissance, ils ne confèrent pas de droits essentiels tels que l’héritage, les visas de conjoint ou la reconnaissance parentale.