Nigeria. Amnesty International dépose une requête auprès des juges de la CPI pour que prenne fin le retard du procureur s’agissant de rendre justice pour les atrocités commises

Amnesty International a déposé le 2 décembre 2024 auprès des juges préliminaires de la Cour pénale internationale (CPI) une requête légale au nom de plusieurs réseaux de victimes ; cette demande vise à mettre fin au retard indéfini et incompréhensible pris par le procureur de la CPI pour ouvrir l’enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis au Nigeria.

En décembre 2020, la procureure de la CPI concluait que tous les critères étaient réunis pour ouvrir une enquête sur les atrocités commises depuis 2010 dans le nord-est du pays, notamment dans le cadre du conflit opposant Boko Haram à l’armée nigériane. À l’issue de cette conclusion, l’étape suivante aurait clairement dû être de soumettre aux juges préliminaires une demande d’ouverture d’enquête, puis, s’ils donnaient leur feu vert, de démarrer les investigations. Quatre ans plus tard, le bureau du procureur de la CPI n’a toujours pas émis la requête initiale.

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria, a déclaré : « Les victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au Nigeria ont autant droit à la justice que les victimes de crimes relevant du droit international dans d’autres pays. Elles ont déjà trop attendu. La Cour pénale internationale ne peut pas laisser le Nigeria sombrer dans l’oubli.

Les victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au Nigeria ont autant droit à la justice que les victimes de crimes relevant du droit international dans d’autres pays. Elles ont déjà trop attendu. La Cour pénale internationale ne peut pas laisser le Nigeria sombrer dans l’oubli.

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria

« Amnesty International demande depuis des années l’ouverture d’une enquête de la CPI sur la situation au Nigeria. Le bureau du procureur continue de tergiverser, alors qu’il est légalement tenu de le faire et l’a promis. Nous invitons les juges de la CPI à exercer leur pouvoir de suivi, afin de veiller à ce que le procureur agisse conformément aux dispositions du Statut de Rome.

« Le procureur n’a pas non plus justifié le fait que la situation au Nigeria ne soit pas traitée comme une priorité, laissant les victimes du conflit dans l’expectative, sans explication ni certitude quant aux prochaines étapes envisagées. Quand viendra enfin le tour du Nigeria ? ».

D’après la requête légale, le bureau du procureur manque à son obligation en vertu de l’article 15(3) du Statut de Rome, s’agissant de demander l’autorisation d’ouvrir l’enquête au Nigeria. En outre, le procureur a créé une situation sans précédent dans laquelle le Nigeria ne fait aujourd’hui l’objet ni d’un examen préliminaire ni d’une enquête : il se trouve dans un vide juridique entre ces deux étapes de la procédure judiciaire de la CPI. Ainsi, le bureau du procureur a contourné la procédure régulière et mis en suspens pour une durée indéterminée les droits des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations.

« Alors que débute l’Assemblée annuelle des États parties à la CPI, nous leur demandons de reconnaître que toutes les situations relevant de la CPI, y compris celle du Nigeria, doivent bénéficier du même niveau de traitement et de la même attention que les autres situations dont la Cour est saisie. »

Complément d’information

La requête a été déposée par Amnesty International au nom de milliers de victimes représentées par plusieurs réseaux dans le nord-est du Nigeria, y compris les réseaux « Jire Dole Mothers » et le Mouvement Knifar. Elle a été rédigée grâce à la contribution et aux conseils juridiques d’UpRights.

Depuis 2009, le nord-est du Nigeria est le théâtre de crimes flagrants commis par Boko Haram et l’armée nigériane. Boko Haram a tué des milliers de civil·e·s, attaqué des écoles, enlevé des femmes ainsi que des filles et des garçons, dont beaucoup ont été recrutés de force comme enfants soldats ou mariés de force et réduits en esclaves sexuels. Les forces nigérianes ont tué ou fait disparaître des civil·e·s, procédé à des arrestations et détentions arbitraires massives et à d’innombrables actes de violence sexuelle et de torture, entraînant la mort de milliers de personnes détenues par l’armée. Ce conflit armé se poursuit à l’heure actuelle et les deux parties continuent de se livrer à des crimes contre la population, année après année.

Le premier procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a ouvert un examen préliminaire sur la situation au Nigeria en novembre 2010. Dix ans plus tard, en décembre 2020, la procureure de la CPI de l’époque, Fatou Bensouda, annonçait que l’examen préliminaire était terminé et concluait que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre avaient été commis par Boko Haram et l’armée nigériane et que les autorités nigérianes n’avaient pas dûment enquêté sur ces faits ni engagé de poursuites appropriées. Depuis lors, aucune avancée concrète n’est à saluer.