Arabie saoudite. Accueillir le Forum sur la gouvernance d’Internet tout en emprisonnant les détracteurs en ligne témoigne d’une profonde hypocrisie

Les autorités saoudiennes doivent libérer sans délai toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exprimé leurs opinions en ligne, à l’approche du Forum sur la gouvernance d’Internet (IGF) qui se tiendra à Riyadh, ont indiqué 40 ONG et organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, dans une déclaration conjointe publiée le 6 septembre 2024.

L’un des thèmes clés du forum annuel sur les politiques publiques numériques, qui se tiendra du 15 au 19 décembre 2024, est la promotion des droits humains à l’ère du numérique. Les organisations ont souligné l’hypocrisie de l’Arabie saoudite qui accueille cet événement alors qu’elle incarcère ses détracteurs et les soumet à des disparitions forcées et à des actes d’intimidation en vue de les réduire au silence.

« Il reste 100 jours aux autorités saoudiennes avant l’ouverture du Forum sur la gouvernance d’Internet et elles doivent saisir cette occasion de démontrer qu’elles vont desserrer leur étau sur la liberté d’expression et mener de véritables réformes, et non se contenter d’une campagne destinée à se donner une image positive, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Afin de prouver que le fait d’accueillir la conférence sur l’avenir d’Internet est plus qu’un exercice cynique de relations publiques, elles doivent libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé en ligne leur droit à la liberté d’expression, avant que le Forum sur la gouvernance d’Internet ne débute. »

Afin de prouver que le fait d’accueillir la conférence sur l’avenir d’Internet est plus qu’un exercice cynique de relations publiques, elles doivent libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé en ligne leur droit à la liberté d’expression, avant que le Forum sur la gouvernance d’Internet ne débute

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

De nombreux militant·e·s de la société civile et défenseur·e·s des droits humains qui participent habituellement à la conférence annuelle se sont dits inquiets à l’idée de se rendre dans le pays, craignant d’être arrêtés, harcelés ou surveillés, compte tenu des antécédents de l’Arabie saoudite, qui a coutume de réduire au silence et d’emprisonner ses détracteurs.

Amnesty International demande au comité organisateur du Forum sur la gouvernance d’Internet d’obtenir de l’Arabie saoudite des assurances publiques que personne ne se verra refuser l’entrée dans le pays pour participer à la conférence, qu’aucun des participant·e·s ne sera harcelé, notamment en étant détenu ou surveillé, et que tous pourront s’exprimer librement.

Ces dernières années, Amnesty International a recueilli des informations sur la terrible répression menée contre ceux qui manifestent le moindre signe de dissidence ou d’opinion critique en ligne.

Parmi les personnes condamnées pour s’être exprimées en ligne, citons Salma al Shehab. Arrêtée en janvier 2021, elle a été condamnée en janvier 2023 à l’issue d’un procès manifestement inique à une peine de 27 ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de 27 ans pour de fausses accusations de terrorisme, simplement parce qu’elle avait posté des tweets en faveur des droits des femmes.

Autre cas très inquiétant, en janvier 2024, le tribunal antiterroriste d’Arabie saoudite a condamné Manahel al Otaibi à 11 ans de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux des messages en faveur des droits des femmes et des photos d’elle sans abaya (ample tunique traditionnelle à manches longues) dans un centre commercial.

Parmi les personnes ciblées figurent également Abdulrahman al Sadhan, employé du Croissant-Rouge qui, en avril 2020, a été condamné à l’issue d’un procès manifestement inique à une peine de 20 ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de 20 ans, en raison de ses tweets satiriques, et Mohammad bin Nasser al Ghamdi, instituteur à la retraite, condamné à mort en juillet 2023 pour avoir critiqué les autorités sur X (anciennement Twitter) et pour ses activités en ligne sur YouTube.

« Ces cas illustrent la sombre vérité sur la répression qu’exercent les autorités saoudiennes contre la liberté d’expression en ligne. Si elles veulent vraiment jouer un rôle de leader mondial en matière de politiques publiques numériques, elles doivent démontrer leur détermination à respecter le droit à la liberté d’expression pour tous en réformant les lois vagues qui criminalisent l’expression, telles que la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, et en cessant définitivement de s’en prendre aux détracteurs en ligne et hors ligne », a déclaré Agnès Callamard.